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Annie Fischer, portraits d’une pianiste

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annie_fischerLe 10 avril 1995 disparaissait la pianiste hongroise Annie Fischer dont la carrière, européenne plus qu’internationale, voua à quelques compositeurs un attachement sans bornes. Mozart, Schumann et, bien sûr, Beethoven dont elle enregistra patiemment les sonates pour Hungaroton après ses premières gravures chez EMI dans les années 1950. À l’époque où elle confiait l’essentiel d’un legs discographique aujourd’hui rendu par Warner, Annie Fischer fréquenta aussi les studios des radios européennes. Trois jours avant de donner l’opus 109 et les Variations « Eroica » à Cologne, la pianiste était à Francfort pour y donner l’opus 13 de Beethoven mais aussi la Sonate en fa majeur de Mozart. Deux interprétations aujourd’hui rendues par le label indépendant Meloclassic, dont les parutions soignées s’attachent à rappeler le souvenir d’instrumentistes du passé – avec, en prime, le plaisir de voir ces programmes passionnants arriver tout droit de Thaïlande !

Des six concertos enregistrés avec Boult, Kurtz et Sawallisch à cette sonate K.332, le Mozart d’Annie Fischer ne cache pas sa parenté avec la manière beethovénienne, chose que les canons d’interprétations de l’époque ne laissaient pas forcément entendre. Avec Annie Fischer, c’est grâce à sa pulsation rythmique que l’Allegro s’anime non pas d’une froide mécanique mais d’un élan constant que les contrastes en mode mineur alimentent plutôt que de l’entraver. On peut bien sûr penser que cette page pourrait apparaître sous un jour plus avenant sans pour autant s’affadir, mais comment reprocher à la pianiste hongroise d’avoir préféré à la beauté du sourire l’émotion du chant ? Car plus encore que dans les pirouettes de l’Allegro assai (où la badinerie n’abdique pas son rang d’art classique), c’est dans l’Andante que la sobriété du jeu d’Annie Fischer peut s’épanouir sans jamais paraître bridée par un excès de tension. Au milieu des ombres qui le cernent, ce Mozart-là n’avance que sur un fil, celui de la justesse.

Tout au long de sa vie, Annie Fischer aura fait du corpus pianistique beethovénien son pain quotidien. Inscrite au programme de son premier comme de son dernier concert public, la musique du maître de Bonn se sera accommodée de l’évolution des moyens techniques de la pianiste jusque dans ses dernières années. En 1957, année de la captation de cette Sonate en ut mineur, les qualités d’articulation et de délié de la pianiste hongroise le disputent à une véhémence encore bien présente vingt ans plus tard, lorsque l’artiste enregistrera l’opus 13 pour les micros d’Hungaroton, mais aussi dans son interprétation face aux caméras de la télévision hongroise (avec certes, plus d’accrocs que ce que nous propose ici Meloclassic). Certes moyennement captée (au risque d’accentuer la sonorité parfois aigre du Bösendorfer et d’en faire entendre les marteaux), cette sonate n’en demeure pas moins une séduisante alternative à l’enregistrement EMI de la même époque – où la pianiste prend sans doute moins de risques qu’ici.

Admirée par Sviatoslav Richter pour ses interprétations des grands cycles schumanniens, Annie Fischer s’est également intéressée à Schubert, quoiqu’avec beaucoup plus de parcimonie (et peut-être moins de réussite). Une sonate (la D. 960) et deux impromptus (les n°2 et 4 du second cahier D. 935) : voilà les seules traces d’Annie Fischer dans ce répertoire, auxquelles il convient maintenant d’ajouter cet impromptu n°1 parisien de 1959. Interprétations ô combien déroutantes, tant ce Schubert n’épanche que des humeurs noires, attisées sans répit. Tandis que la tonalité de fa mineur laisse les phrases du premier impromptu tourbillonner sur elle-même comme les pensées d’un dément, les quelques mesures précédant la coda de l’ultime pièce se parent de teintes spectrales, annonciatrices d’une modernité musicale que peu d’artistes ont su faire aussi pertinemment apparaître qu’Annie Fischer.

Tout comme les Danses de Marosszék de Kodály captées en 1963 par la BBC, les Quinze mélodies paysannes hongroises qui referment ce disque abondamment rempli rappellent l’attachement de la pianiste au répertoire de sa terre natale. Traversés de brusques dissonances, les chants populaires rassemblés par Bartók rivalisent ici de couleurs franches et de rythmes frénétiques, rappelant au passage à l’auditeur que l’idée d’idiomatisme en matière d’interprétation n’est pas un vain mot.

Pouvait-on rêver plus bel hommage à cette immense artiste, cent ans après sa naissance ?

Beethoven : Sonate en ut mineur (opus 13), Sonate en fa dièse majeur (op. 78), Mozart, Sonate en fa majeur, Händel/D’Albert, Chaconne en sol majeur, Schubert, Impromptus (D.935 n°1/2/4), Bartok, Quinze mélodies paysannes hongroises ; Annie Fischer ; Meloclassic MC 1016)



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